Jeux concours et loteries commerciales : est il encore possible de jouer?

La législation française pose un cadre très restrictif à la possibilité d'organiser un jeux concours... alors fin de la partie pour les jeux concours * ? Tout d’abord, avant d’étudier ce que cette législation va changer pour les adeptes des loteries et jeux concours, essayons de comprendre pourquoi le législateur est venu encadrer ces pratiques promotionnelles. Son but était simple : garder intact le monopole de la française des jeux, qui elle seule peut monnayer la participation à une loterie. Toute autre personne organisant une loterie commerciale ne pouvait le faire qu’à titre gratuit ; le grand public connait bien la formule « jeu gratuit sans obligation d’achat », venant consacrer ce principe, seuls les « jeux concours » mettant en œuvre l’habilité des joueurs étaient autorisés. Or, un arrêt de la Cour d’Appel de Toulouse avait suscité un frisson d'excitation chez ls praticiens en considérant que le poker n’était pas un jeu de hasard mais un jeu de « savoir faire », permettant ainsi un contournement de la loi. La volonté du législateur était donc simple : mettre un coup d’arrêt aux jeux addictifs, au risque de blanchiment d’argent, et de fraude en adoptant une législation plus coercitive, objectif atteint avec la loi Hamon du 17/03/2014. En règlementant les jeux concours, le législateur nous convie à son propre jeu : parvenir à décortiquer le corpus législatif encadrant ces pratiques commerciales… La loi en la matière est particulièrement opaque, il faudra des trésors de patience et de concentration à un simple profane pour comprendre la règlementation encadrant les loteries promotionnelles. Tout d’abord, l’article L322-1 du code de la sécurité intérieure pose un principe général de prohibition : « Les loteries de toute espèce sont prohibées. » Ce principe, a priori lapidaire est immédiatement tempéré dans les lignes suivantes : "Sont réputées loteries et interdites comme telles : les ventes d'immeubles, de meubles ou de marchandises effectuées par la voie du sort, ou auxquelles ont été réunies des primes ou autres bénéfices dus, même partiellement, au hasard et, d'une manière générale, toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l'espérance d'un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l'opérateur de la part des participants." Article L322-2... en gros les jeux avec obligation d'achat sont interdits. Le législateur rajoute : « Cette interdiction recouvre les jeux dont le fonctionnement repose sur le savoir-faire du joueur » (article L322-2-1 CSI) Que le meilleur gagne ? Non… Désormais, seul le hasard décidera du sort du vainqueur La réforme sonne donc le glas des jeux concours : les jeux de savoir-faire sont désormais prohibés et seules les loteries, ne fonctionnant que sur le principe du hasard sont désormais licites, à condition qu’elles soient réalisées dans un but publicitaire.Un doute persiste cependant qu’il appartiendra au juge de définir : qu’est ce qu’un jeu de hasard et qu’est ce qu’un jeu de « savoir-faire » ?Les jeux alliant savoir-faire et hasard seront-ils prohibés (par exemple les quizz s’achevant par un tirage au sort parmi les participants ayant donnés une bonne réponse) ?Ou au contraire, dès lors qu’un élément aléatoire intervient, ces jeux deviennent-ils licites ?A priori, certains jeux créatifs (concours de poésie, de vidéos, de recette, de photographies, de meilleure plaidoirie….) ne pourront plus être organisés ; le même sort sera réservé aux jeux à score et social gaming (jeux d’arcade, de mémoire…). Ah oui mais non en fait Nous continuons la poursuite de notre lecture du code de la sécurité intérieur, dubitatif qui dispose en son article L322-2-2 "Cette interdiction ne recouvre pas les opérations publicitaires mentionnées à l'article L. 121-20 du code de la consommation." ... qui pose un principe général d'autorisation. "Dès lors qu'elles sont déloyales au sens de l'article L. 121-1, sont interdites les pratiques commerciales mises en œuvre par les professionnels à l'égard des consommateurs, sous la forme d'opérations promotionnelles tendant à l'attribution d'un gain ou d'un avantage de toute nature par la voie d'un tirage au sort, quelles qu'en soient les modalités, ou par l'intervention d'un élément aléatoire." Le code de la sécurité intérieur dit non. Le code de la consommation dit oui. Une législation morte née ? En légiférant dans le CSI, le législateur décide volontairement de faire fi de la directive européenne du 11/05/2011 qui prévoit un principe général d’autorisation, sous réserve que le pratiques commerciales soient ne soient ni déloyales ni agressives. La loi Hamon, consacre le principe inverse, ignorant ainsi les enseignements de la jurisprudence européenne. Toutefois, en vertu du principe de hiérarchie des lois, le règlement européen l'emporte sur la loi française. Par conséquent, les dispositions législatives n'étant pas conforme au droit européen, vous n'êtes pas obligés de les respecter... en théorie.
Fin de la télé-tirelire et légalisation des jeux avec obligations d’achat Cette étrange dichotomie entre législation française et européenne se poursuit sur la question des jeux avec obligations d'achat Dans son dernier alinéa de l'Article L322-2-1, nous retrouvons la rigueur du législateur français : « Le sacrifice financier est établi dans les cas où l'organisateur exige une avance financière de la part des participants, même si un remboursement ultérieur est rendu possible par le règlement du jeu.» Il serait donc impossible d'organiser des jeux basés sur l'envoie de sms ou d'appel surtaxés, et cela même si l'organisateur du jeu prévoit le remboursement de ces frais. Toutefois, à en croire la Cour de Justice de l'Union Européenne, ces dispositions sont contraires aux dispositions du règlement. A l'occasion d'une affaire opposant la Wettbewerbszentrale (la DGCCRF allemande) à une entreprise organisant un jeu intitulé « Ihre Millionenchance » où il était proposé aux consommateurs d'acheter différents produits... chaque achat donne droit à des points, et au bout de 2à points accumulés, le consommateur pouvait participer au jeu. La Cour prévoit dans son arrêt que « la directive 2005/29 s’oppose à une interdiction des offres commerciales couplant l’achat de biens ou de services à la participation des consommateurs à un concours ou à un jeu, telle que celle prévue par la réglementation nationale en cause ». Autrement dit, la CJUE s'oppose aux dispositions du CSI ; et donne son aval aux jeux avec obligation d'achat. Certains juges français ont d'ailleurs refusé de faire application des dispositions législatives françaises car elles ont été jugées contraires aux dispositions européennes (UFC Que Choisir contre Darty » du 26 novembre 2009 - CA Paris). Désormais, les juges ne doivent analyser qu'un élément : est ce que le règlement du concours présent u caractère déloyal ou pas? L’huissier de justice : une obligation ? Si les grands opérateurs peuvent aisément se payer les services d’un officier ministériel, il en est autrement des « petits » e-commerçants, des starts up qui n’ont d’autres choix que de se faire connaitre en mettant en œuvre des opérations commerciales audacieuses et surtout peu couteuses. Pour eux, faire appel à un huissier représente un véritable sacrifice financier qu’ils ne peuvent systématiquement se permettre de réaliser. A en croire la lettre de la directive du 11/05/2005, nul besoin de faire appel à un officier ministériel dès lors que l’opération commerciale est loyale. Le législateur avait conservé son article L121-38 du code de la consommation qui maintient cette obligation de recourir à un huissier de justice pour le dépôt du jeu concours.
Fort heureusement, cette disposition a été abrogé par la loi du 20/12/2014. Gageons que le législateur saura se séparer bon grè mal grè de l'ensemble de ses dispositions sur les loteries publicitaires contraires aux dispositions européenne. *nos excuses pour ce jeu de mot très prévisible et faiblard sur le sujet.
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